Difficile de se réinventer lorsque l’on est un grand cru classé, avec une image et une réputation bâties sur l’histoire et la tradition. C’est néanmoins le parti pris par le Château Dauzac, sous la direction de Laurent Fortin, qui a accueilli récemment plus de 3.000 personnes pour la dégustation des primeurs 2018 de Margaux, et se distingue par sa capacité à innover et à se positionner à l’avant-garde des crus de la région, de la vigne aux vins et à leur distribution.

Biodiversité et biodynamie dans le vignoble

Le vignoble du Château Dauzac est conduit en biodynamie, sans pour autant qu’une certification vienne en attester : un choix qui repose sur une volonté d’encourager la diversité, de préserver la terre et l’environnement. Les produits CMR (cancérogènes, mutagènes ou toxiques) ont été bannis, ainsi que les désherbants chimiques et produits anti-botrytis. Pour choyer au mieux la vigne, les équipes sont très impliquées dans le travail de la terre, et c’est leur réactivité qui permet de limiter les traitements. Autre atout intéressant, des algues, utilisées dans la protection contre le mildiou et qui permettent de réduire les doses de cuivre, mais aussi de préserver les rendements y compris dans des années à la météo « délicate ».

Le plus beau résultat : les analyses des bouteilles de vin, qui démontrent que ceux-ci ne contiennent aucune trace de pesticide (parmi plus de 50 molécules recherchées), preuve d’un engagement fort à la vigne.

Innovation et précision dans les chais

Dès la vendange, la maturité optimale des baies est recherchée, grâce à un travail intra-parcellaire, qui permet en scannant les grappes de déterminer quels rangs sont à vendanger à quel moment : les équipes sont à nouveau mobilisées, dans le but de récolter des grappes qui ne soient ni en sous- ni en sur-maturité.

Les raisins arrivent alors dans le chai de vinification refait en 2013, et qui s’est doté en 2014 de doubles douelles transparentes permettant de surveiller visuellement le vin en fermentation. En faisant constater que les remontages ne permettaient pas une bonne extraction (le moût passe toujours au même endroit au sein du chapeau de marc – et le pigeage qui apporte une solution à ce problème impose d’ouvrir la cuve et présente des risques pour les employés), ces douelles ont ouvert la voie à une autre innovation : le procédé « pulsair ». Ce système d’une simplicité déconcertante utilise l’air du chai (ou du CO2) et l’envoie avec une canne, pour que le chapeau reste en mouvement dans la cuve : il faut moins de 3 minutes, avec de l’air propulsé aux 4 coins de la cuve, pour conserver le chapeau en suspension. Le résultat : des tanins plus soyeux, pour un procédé simple et peu coûteux, qui a depuis convaincu plusieurs autres propriétés de la région.

Une distribution main dans la main avec la Place de Bordeaux

Une fois le vin fait, il faut le vendre… Le Château comptait auparavant sur un petit nombre de négociants, et commercialisait la grande majorité (80%) de ses vins en France. Depuis 2013, la Place de Bordeaux a repris une place prépondérante dans la distribution des vins. Laurent Fortin souligne le rôle de conseiller et de prescripteur des négociants, essentiel pour le vignoble bordelais et ses crus classés, qui a permis de prendre le virage du digital, mais aussi de faire rayonner la propriété à l’export. Aujourd’hui, les marchés étrangers représentent 87% des ventes du Château Dauzac, un succès confirmé par la venue en nombre des dégustateurs lors de la semaine des Primeurs.

Des équipes réactives et impliquées

Enfin, au travers de cet entretien avec Laurent Fortin, il ressort que l’implication des équipes à toutes les étapes de l’élaboration des vins est cruciale. Alors que les questions de recrutement, de gestion des ressources humaines, sont un point sensible dans de nombreux domaines, le Château Dauzac compte sur des équipes motivées, réactives, impliquées dans l’élaboration de crus de grande qualité.

Le travail de chaque membre de l’équipe a une influence et des répercussions sur l’ensemble de la production. La vision globale de la propriété doit donc être expliquée et partagée. Chacun est invité à proposer des suggestions qui permettront de faciliter le travail des équipes, d’améliorer leur environnement de travail (notamment par la réduction des produits chimiques utilisés, etc.), et d’oeuvrer pour élaborer ensemble le meilleur vin, millésime après millésime. C’est par exemple grâce aux réflexions du maître de chai, des salariés et du directeur technique Philippe Roux que le procédé pulsair a été mis en oeuvre. Si certains éléments de langage peuvent paraître du bon sens, il n’en résulte pas moins que ce management « participatif » porte ses fruits, et l’on espère qu’il continuera à être source d’innovations fructueuses pour le Château Dauzac.

Source : Entretien avec Laurent Fortin, directeur général du Château Dauzac (Margaux)