Parler de vin et de grande distribution, c’est aujourd’hui l’une des recettes assurées pour se faire lyncher par toute une partie de la profession (un peu comme parler de vin nature ou de vin vegan…). Pourtant, principalement pour des questions de commodité, c’est encore là que la grande majorité des vins sont vendus, en France comme dans le monde. Sans oublier que les petites, moyennes et grandes surfaces sont une source de revenus non négligeable pour les domaines. Mais s’il est un domaine où la grande distribution a une carte à jouer, c’est sur l’accès aux vins étrangers, et en particulier aux « classiques » du genre : les grandes appellations, les producteurs les plus importants… De quoi faire découvrir le style général de ces vins, et les rendre accessible à tout un chacun, sans avoir à passer par des commerçants spécialisés*.

Alors que la foire aux vins de printemps bat son plein, j’ai donc échangé avec Audrey SONNENDRECKER, Directrice de la catégorie Vins – Champagnes – Mousseux chez Carrefour, pour parler vins étrangers, foires et vins, et surtout vins italiens : notre voisin est le premier producteur de vins au monde, pourtant nous sommes bien peu nombreux en France à avoir une connaissance (même superficielle) de ses plus grandes appellations et de ses cépages.

Alors, peut-on découvrir les classiques d’Italie en faisant un tour par le rayon vins de Carrefour ?

Première précision, il y a « rayon vins » et « rayon vins »…

D’un côté, la cave Carrefour Grands Vins, une boutique en ligne où des clients plus amateurs peuvent dénicher des crus de Barolo, de Taurasi. A date, elle compte 119 références, dont 25 vins italiens : Bardolino, Vermentino, mais aussi Dolcetto, Brunello di Montalcino et Amarone della Valpolicella. Récemment, c’est une thématique sur les vins d’Uruguay qui a animé le site. Son principal avantage : permettre davantage de pédagogie, avec des fiches, des explications, pour accompagner les amateurs dans leurs achats et dans leur dégustation, ce qui est bien plus aisé via un écran d’ordinateur que dans les allées d’une grande surface.

De l’autre côté justement, les magasins physiques, ont une clientèle plutôt néophyte, dont l’intérêt a tendance à se limiter aux appellations les plus connues (Chianti, Rioja) et aux vins effervescents (Prosecco, Cava). Si les effervescents tirent ce rayon vers le haut, avec une croissance importante d’année en année (+2% environ), c’est avant tout grâce au Prosecco, justement : un vin abordable et facile d’accès, au profil fruité grâce à son élaboration en cuve close, et qui s’associe très facilement en cocktail aux beaux jours. De plus, si on note un certain tropisme régional (un attrait pour les vins issus de régions proches, qu’elles soient de l’autre côté d’une frontière ou non, comme à Monaco et dans les Pyrénées), les vins étrangers attirent aussi une clientèle « voyageuse » : des amateurs partis en vacances à l’étranger, et qui souhaitent retrouver après leur retour un petit goût de vacances…

Quelques exceptions à la règle : le magasin de Villiers-en-Bière, au sud-ouest de Melun, avec un profil assez atypique et un chai dans le magasin, où sont présentés de nombreux flacons. Là, le rayon étranger ne compte pas moins de 100 références, pour assouvir la soif de curiosité d’une clientèle plus éclectique et avec un pouvoir d’achat relativement élevé.

L’autre exception, bien entendu, ce sont les foires aux vins, avec des prospectus dédiés au printemps et à l’automne. Cet événement, avec ses supports et sa mise en avant, est une occasion de mettre en valeur des terroirs moins connus, de raconter l’histoire de vins et de domaines, de faire preuve de plus de pédagogie et d’inciter les consommateurs à sortir des sentiers battus. Par ailleurs, cela permet aussi de proposer des vins disponibles avec des volumes bien plus faibles : certaines cuvées ne sont ainsi disponibles qu’en pré-réservation, victimes de leur succès.

Sélection de quelques classiques italiens

  • Chianti DOCG Piccini – 7,90€ – Une entrée en matière très typique pour cette appellation incontournable. De jolies notes de cerise griotte, des tanins soyeux et modérés, mais une belle fraîcheur en finale.
  • Prosecco Superiore Valdobbiadene DOCG Mionetto – 12,95€ – Loin du prosecco d’entrée de gamme destiné à être servi très frais en cocktail, ce vin donne à découvrir les notes de fleurs blanches et de fruits d’été du cépage Glera, ainsi que la finesse des bulles et la mousse légère propres au Prosecco, avec une fraîcheur fruitée de l’attaque à la finale. Un bel effervescent, avec un bon rapport qualité-prix, mais au style bien distinct de celui de nos crémants. D’autres proseccos du rayon étaient d’un rapport qualité-prix moins intéressant : il vaut mieux se tourner vers des vins « bruts », et éviter les mentions « extra-dry » ou « dry », où le taux de sucre sert aussi à masquer une bouche un peu mince et un manque de maturité.
  • Barolo DOCG Sergio Gomba – 24,95€ – Un prix qui reste abordable pour ce Barolo signé Sergio Gomba, où l’on retrouve la typicité de l’appellation : les tanins étonnamment puissants mais fins et mûrs, les notes de fleurs séchées, de baies rouges mûres, avec une note de cuir et d’épices. Amateurs de vins légers s’abstenir !

* Dans ma recherche de classiques italiens, je me suis en premier lieu tournée vers mon caviste habituel. Certes, il a une très bonne sélection en vins français, un rayon spiritueux exceptionnel, et une très bonne maîtrise de son sujet, mais la partie « vins étrangers » lui reste… étrangère, avec une sélection très pauvre.