Quand on demande à quelqu’un de citer un vin blanc, la dénomination IGP Côtes de Gascogne ne vient pas spontanément à l’esprit. Ni ses cépages emblématiques, colombard, ugni blanc, petit manseng, gros manseng… au chapitre des cépages blancs les plus connus du monde. Et pourtant, les vins blancs des Côtes de Gascogne comptent parmi les vins français les plus exportés dans le monde, achetés et consommés dans plus de 100 pays différents. Eclairage sur le succès mondial de ces vins avec Alain Desprats, directeur du syndicat des vins des Côtes de Gascogne.

Le vignoble et les vins des Côtes de Gascogne

Commençons tout d’abord par un retour sur cette région et sur ses vins :

  • 12.000 hectares de vignobles, avec une riche diversité de terroirs, de sols, d’expositions, mais aussi un vignoble partagé avec l’Armagnac, ce qui explique la prédominance des cépages blancs, et en particulier de variétés telles que l’Ugni blanc et le Colombard, qui forment le coeur de cette eau-de-vie
  • 1.000 producteurs, dont des vignerons indépendants et environ 800 adhérents apporteurs qui fournissent les 6 caves coopératives et les négociants-vinificateurs de la région
  • 750.000 hl de production annuelle, soit 100 millions de bouteilles par an, un chiffre simple à retenir
  • 85% de vins blancs, qu’ils soient secs, moelleux ou doux
  • 60% de ventes réalisées à l’export, dans 100 pays différents

Côté sec, l’atout Colombard

Les blancs secs des Côtes de Gascogne représentent une production de 750.000 bouteilles par an, à partir de 4 cépages principaux : le Colombard, l’Ugni blanc, le Gros manseng et le Sauvignon blanc. Colombard et ugni blanc en particulier sont héritiers de la tradition de l’Armagnac, mais c’est au premier que l’on doit l’essence du caractère de ces vins : des vins blancs frais, à l’expression aromatique riche et intense, aux notes d’agrumes et de fruits exotiques. Relativement faibles en alcool, mais dotés d’une belle acidité, ce sont des vins souples et accessibles, parfaits pour l’apéritif ou pour accompagner des fruits de mer, des entrées légères, des fromages…

Pour obtenir ce profil fruité, le colombard en tant que cépage, avec ses propres caractéristiques, est clef. Mais encore fallait-il le conserver dans le vignoble, et ne pas céder aux sirènes des cépages « internationaux », même si le Sauvignon blanc trouve en Gascogne un terrain de jeu de premier choix. Face à la mode du sauvignon et du chardonnay dans le monde, les Côtes de Gascogne ont continué à miser sur leurs cépages autochtones et leur identité propre, quitte à proposer des assemblages pour rassurer acheteurs et consommateurs (en assemblant 80% de colombard à 20% de chardonnay ou de sauvignon par exemple).

Egalement présents dans les assemblages, l’Ugni blanc (qui tient encore et toujours la palme du cépage blanc le plus planté en France !), qui apporte de la tension, des notes florales et de la nervosité aux vins ; le Gros Manseng, apprécié pour sa rondeur, sa générosité et ses notes de fruits mûrs (abricot, coing).

Autre atout majeur de ces vins : le processus de vinification, où tout est mis en oeuvre pour obtenir un style au fruité éclatant. Des vendanges de nuit, où les baies et les premiers moûts sont protégés de l’oxydation par un gaz inerte (CO2), transférés aux chais le plus rapidement possible, une macération pelliculaire pour extraire les précurseur d’arômes présents dans les peaux des raisins, un pressurage doux, des températures de fermentation basses (16-18°C)… La fraîcheur aromatique est la priorité, de la vendange jusqu’à la mise en bouteilles.

Ce qui plaît hors de nos frontières ? Ce style frais et fruité, précisément, toujours expressif, avec des prix abordables. Un rapport plaisir-prix excellent, à la portée de tous les budgets et de tous les palais, qui séduit les pays du nord de l’Europe (Allemagne, Pays-Bas et Royaume-Uni en tête), mais aussi les Etats-Unis, le Canada, les pays scandinaves, le Japon et Hong Kong, et dernièrement les pays de l’est de l’Europe (notamment la Pologne).

Côté doux, l’équilibre avant tout

Vus d’ensemble, les vins blancs doux n’ont pas la cote en ce moment. Pourtant, les Côtes de Gascogne arrivent à tirer leur épingle du jeu, grâce à plusieurs atouts intrinsèques : leur taux de sucre assez bas dans cette catégorie, leur équilibre tout en fraîcheur et en tension, et encore une fois leur prix abordable.

Petit rappel sur le sucre : la règlementation impose que l’on parle de vin « moelleux » jusqu’à un taux de 45 g/L de sucre résiduel, puis de vin « doux » au-delà de cette limite. La particularité des vins des Côtes de Gascogne est d’être très proche de cette limite, et constamment à cheval sur ces deux catégories : la plupart des vins a un taux de sucre résiduel entre 40 et 50 g/L, ce qui fait que certaines cuvées peuvent changer de terminologie d’un millésime à l’autre. Alors que cette ambivalence pourrait leur porter préjudice, et être source de confusion pour les consommateurs, les producteurs ont su jouer sur les codes couleurs pour communiquer clairement sur leurs styles de vin. Ce taux de sucre modéré est une force dans l’univers des vins doux : les vins sont plus fruités que sucrés, et plaisent sans lasser.

Ils doivent notamment leur équilibre à la fraîcheur acidulée des cépages de Gascogne : Petit Manseng et Gros Manseng. Fraîcheur des arômes, évoquant les agrumes (mandarine, orange), les fruits du verger (abricot, pêche), les fruits exotiques (manque, fruit de la passion, ananas)… Et fraîcheur en bouche, grâce à une belle acidité qui permet d’équilibrer le palais et d’éviter la sensation de lourdeur que l’on peut ressentir face à un vin ou à un mets trop riche.

Cet équilibre est le fruit de la méthode d’élaboration de ces vins : les raisins sont passerillés sur pied, vendangés en surmaturité, quand les baies sont plus concentrées en sucre mais sans qu’elles soient affectées par du botrytis. Avec un degré d’alcool potentiel entre 14 et 15%, une légère douceur est garantie, mais la qualité des baies est préservée et les rendements restent suffisants et suffisamment stables pour proposer les vins à un prix de vente raisonnable (entre 6 et 8€). De quoi séduire consommateurs et acheteurs, mais aussi plaire à la jeune génération (20-30 ans), qui apprécie l’équilibre et le côté abordable de ces vins.

3 cuvées pour découvrir les Côtes de Gascogne

Plaimont Producteurs « Voici mon secret » IGP Côtes de Gascogne blanc sec 2018 – 5€ TTC
Fraîcheur citronnée, notes de pamplemousse et de fleurs blanches, pour une cuvée qui ne contient que 9% d’alcool grâce à une conduite de la vigne qui permet de limiter l’accumulation des sucres dans les baies. Un élevage sur lies apporte de la structure à ce vin léger et agréable, facile à boire.

Domaine du Tariquet « Premières Grives » IGP Côtes de Gascogne blanc moelleux 2018 – 8,50€ TTC
Issu à 100% du cépage Gros Manseng, ce vin fut le pionnier des moelleux de la dénomination, et un succès qui ne se dément pas depuis son lancement. Fin, alliant les fruits exotiques et les agrumes, il représente la quintessence de ce style, et séduit par sa douceur fruitée aussi bien que sa finale acidulée rappelant le croquant d’un grain de raisin frais.

Domaine de Miselle « Petit Manseng » IGP Côtes de Gascogne blanc moelleux 2018 – 7,50€ TTC
Les notes de fruits frais font place à une douceur miellée suave, tandis que la finale reste harmonieuse : un équilibre dû au Petit Manseng qui constitue le coeur de cette cuvée et lui apporte sa générosité et son expressivité. La douceur du vin appelle un fromage à pâte persillée, un dessert aux fruits, mais peut accompagner des plats exotiques et du sucré-salé.