Découverte
Le 15/12/2015 par Mohamed Boudellal
Le Muscat de Noël - une tradition réinventée
C’est au XIVème, lorsque la Catalogne englobait l’actuel Roussillon, que l’on trouve mention du Moscat de Nadal, Nadal signifiant Noël en catalan. Il s’agissait d’un vin doux de raisin muscat, dont la Cour Royale de Barcelone faisait son breuvage lors du Noël suivant sa récolte. Cette tradition, restée vivante dans le milieu des vignerons, sort au grand jour en 1997 lorsqu’une une poignée d’entre eux prend l’initiative de commercialiser un muscat précoce, baptisé Muscat de Noël, après avoir obtenu sa reconnaissance officielle à la fois comme catégorie annexe au Muscat de Rivesaltes et comme vin primeur.
Ainsi, à côté de sa nature douce et onctueuse, propre à son type, le Muscat de Noël possède un croquant introuvable dans le genre. Ce caractère frais et affriolant lui vaut un réel engouement, ainsi que l’attestent les 540.000 bouteilles produites en 2015, proposées de surcroît à des prix abordables (*).
Un muscat primeur !
Conformément à la législation des vins primeurs, le Muscat de Noël sort le troisième jeudi du mois de novembre, à l’instar du Beaujolais Nouveau. Malgré une vocation de vin immédiat, il est le produit d’une grande attention car son agrément a lieu après la mise en bouteilles, donc sans repentir possible !
D’abord exclusive à la zone d'appellation Muscat de Rivesaltes (Pyrénées Orientales et Aude) son élaboration est autorisée sur celle du Muscat de Lunel en 2006, et l’année suivante sur celle du Muscat de Saint-Jean de Minervois. Sur ces aires du département de l’Hérault, la production reste toutefois marginale. Si le Muscat de Noël ne diffère pas foncièrement de ses pairs, des producteurs le façonnent de manière à exalter le côté primesautier du fruit. Pour cela, ils mettent en œuvre des techniques d’élaboration propres à exhausser les arômes et à en révéler des aspects singuliers, plutôt séducteurs (agrumes, fruits tropicaux, etc.)
Comment obtient-on le muscat ?
Les vins doux issus du cépage muscat entrent dans la catégorie des Vins Doux Naturels, usuellement abréviée en VDN. Ils proviennent en fait deux variétés distinctes, appelées respectivement « muscat à petits grains » et « muscat d’Alexandrie ». L’une comme l’autre entrent dans la composition de ces vins, seules ou assemblées dans des proportions variables. L’élaboration des VDN est similaire à celle des vins blancs secs jusqu’à la phase de fermentation dont on stoppe en l’occurrence le processus afin de garder du sucre dans le produit final. Appelée mutage, l’opération consiste à ajouter de l’alcool de vin neutre pendant la fermentation et suivant un dosage visant à obtenir un vin relativement doux (un peu plus de 100 g de sucre par litre) et titrant au minimum 15 % vol. d’alcool. La seule différence entre le Muscat de Noël et ses alter ego réside dans la période de mise en bouteille, forcément précoce pour notre muscat puisque généralement effectuée au début du mois de novembre.
Un nouvel adepte, le Mas de la Devèze
Repris en 2012 par Nathalie et Simon Hugues, ce domaine situé sur la commune de Tautavel, a rejoint le grand cercle des producteurs de la spécialité en élaborant cette année son premier Muscat de Noël. Ce 2015 est un assemblage à parité des deux muscats, élaboré sans la volonté de faire un vin ostensiblement expressif. Il délivre ainsi avec mesure des arômes muscatés et mentholés, et fait valoir une appréciable fraîcheur de texture, malgré une douceur présente mais fugace car vite relayée par une sensation vivace, comme réglissée. Volontiers apéritif, ce type de muscat apportera une note d’originalité aux agapes de Noël…
(*) Entre 7 et 14 € (bouteille de 75 cl)
Crédit images : CIVR - Aglyphoto66 - Mohamed Boudellal
Quelques mots sur l'auteur : Mohamed Boudellal
Diplômé en histoire de l'art, Mohamed Boudellal est journaliste et consultant en vins. Il a écrit pour la presse spécialisée, principalement pour la Revue du Vin de France, et d'autres titres comme L'Amateur de Bordeaux, Gault-Millau et Terre de Vins. Il a également été correspondant pour le webmagazine Le Journal du Vin, et est co-auteur dans l'édition 2016 du "Grand Larousse du Vin".
