Billet d'Humeur
Le 11/01/2016 par Julie
Le grand mensonge du vin ?
Outre-Atlantique, les articles fleurissent autour d’une étude conduite en 2015 sur le degré d’alcool du vin, qui montre que dans la grande majorité des cas, le degré d’alcool mentionné sur l’étiquette est inférieur au taux d’alcool réel contenu dans la bouteille. Loin de nous l’idée de contredire les résultats de cette étude, mais il serait bon de raison garder…
Plus d’alcool dans le vin
Première étape : que dit exactement ce papier ? Publié par "Wine Economics", il s’intitule "Splendide Mendax: de fausses allégations sur les étiquettes de vin au sujet de teneurs en alcool hautes et croissantes" (traduction depuis l'anglais par nos soins). Il est signé Julian M. Alston, Kate B. Fuller, James T. Lapsley, George Soleas et Kabir P. Tumber. Vous trouverez l'original libre d'accès en pdf sur le site de Wine Economics.
Une augmentation du taux d’alcool depuis quelques décennies
Premier fait constaté : les taux d'alcool ont augmenté depuis plusieurs années, passant de 12,7% en moyenne pour le millésime 1992 à 13,8% en moyenne pour le millésime 2009. Cette augmentation, d'après les auteurs, ne serait pas tant le résultat du réchauffement climatique que d'une volonté des viticulteurs et producteurs, pour satisfaire le palais de consommateurs en quête de vins plus ronds, plus fruités, voire plus sucrés (notamment aux Etats-Unis).
Plus d'alcool mesuré dans le vin qu'indiqué sur l'étiquette
Sur les 100.000 vins mesurés et échantillonnés pour l'étude, 60% a un taux d'alcool plus fort qu'indiqué sur l'étiquette, et seulement 20% a un taux d'alcool réel inférieur à celui de l'étiquette. En moyenne, le taux d'alcool réel est supérieur de 0,15% au taux d'alcool indiqué, avec des valeurs plus hautes pour les pays du "Nouveau Monde" (Chili, Argentine, Etats-Unis).
Faut-il avoir peur de ces chiffres ?
L'augmentation de plus d'un degré du taux d'alcool est alarmante, mais pas outre mesure.
Comme le souligne l'étude, en citant un article de David Darlington dans la revue "Wine and Spirits" : "quelque soit le clone ou le climat, un producteur [de pinot noir de la Russian River Valley] fait toujours le vin qu'il a envie de faire". C'est un effet de mode qui est responsable en majeure partie de cette hausse du taux d'alcool, plus prononcée en Amérique qu'en Europe, et on peut supposer qu'à long terme un équilibre se maintiendra, entre des vins ronds, fruités et généreux, et des taux d'alcool raisonnables.
En revanche, en ce qui concerne le taux d'alcool indiqué, rappelons tout d'abord qu'il existe des lois et des règlementations strictes, qui encadrent précisément ce qu'un producteur peut et doit inscrire sur ses étiquettes. En Europe, une marge d'erreur de 0,5% est tolérée. Aux Etats-Unis, cette marge est de 1,5% pour les vins de moins de 14% d'alcool, et de 1% au-delà de cette limite. Rappelons ensuite que dans l'immense majorité des cas, le taux d'alcool est indiqué au demi-pourcent près (12, 12,5, 13, 13,5 etc).
Traduction : les producteurs de vin ont davantage tendance à arrondir à la valeur inférieure. C'est-à-dire que pour un vin titrant 13,3, voire 13,4, on est quasiment sûr que le chiffre affiché sera 13%, et non 13,5%.
Du point de vue des producteurs, il s'agirait donc, dans la mesure de ce qui est légal, d'embellir les choses, d'utiliser la tolérance et la marge d'erreur prévue par la règlementation pour afficher un taux inférieur à celui réellement mesuré. Un peu comme les 5 km/h enlevés à la vitesse réelle quand un véhicule est flashé par un radar…
Quelques mots sur l'auteur : Julie
La créatrice et rédactrice-en-chef de la Feuille de Vigne partage son temps entre un bureau (avec vue sur les vignes) et les vignes de France et d'ailleurs, et ne cache pas son intérêt pour les bouteilles les plus surprenantes, les vignobles les plus inattendus, et les vins étranges et étrangers.
