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Billet d'Humeur

Le 30/05/2016 par Julie

Insolite - du vin 0% raisins 100% synthétique

Insolite - du vin 0% raisins 100% synthétique

Ils appellent ça du vin "de designer". Le premier vin élaboré sans raisins, sans levures, et sans fermentation.
Dans la phrase qui précède, merci donc de remplacer "vin" par "boisson alcoolisée imitant le goût du vin" et "élaboré" par "fabriquer". Car hors de question de parler de vin ici, la définition légale étant claire sur la nécessité d'utiliser des raisins (ou du jus de raisin) et de faire fermenter le moût pour produire de l'alcool.

Mais laissons quelques minutes de côté ces petits détails, et voyons de quoi il retourne :

Ava Winery - un projet assez fou

Alec Lee et Mardonn Chua sont deux jeunes américains, qui ont eu en 2016 le souhait recréer du vin après avoir vu une bouteille du mythique Chateau Montelena 1973 vendue plusieurs milliers de dollars. Leur idée : le vin n'est après tout qu'une boisson, un mélange de molécules, qu'il est techniquement possible de recréer en mélangeant quelques ingrédients, à la manière d'une recette de cuisine.

Ils expliquent croire que d'ici 5000 ans, l'humanité "imprimera" sa nourriture aussi simplement qu'on imprime sur du papier aujourd'hui. Les aliments seront reconstruits sur la base de leur molécule. Leur projet s'inscrit ainsi dans cette logique de progrès scientifique et technologique. Utopique, oui, mais qui dit que dans 5000 ans cette utopie ne sera pas réalité ?

Peut-on recréer du vin "synthétique", sans raisin ?

En mars 2016, Mardonn Chua pose la question sur Reddit : "peut-on faire du vin en mélangeant les bonnes molécules ?". Il a eu quelques commentaires, et, travaillant dans un laboratoire alimentaire, a commencé à travailler sur son projet :

  • Acide tartrique et acide malique (pour l'acidité)
  • Tanin en poudre (pour l'astringence)
  • Glycérine végétale (pour le corps, la rondeur, la texture)
  • Ethanol (alcool)
  • Sucrose (pour ajouter un peu de douceur)
  • Composés aromatiques (récupérés sur son lieu de travail) : hexanoate d'éthyle (arôme d'ananas), butanoate (arôme de jus de raisin), limonene (arôme de citron et d'agrume) et acétoïne (arôme de beurre et de popcorn)

Les mesures ont été estimées tout d'abord en faisant quelques recherches parmi la littérature scientifique, et il prit pour objectif une bouteille de chardonnay californien (Kendall Jackson Chardonnay 2014). Le procédé est documenté sur un article de blog rédigé par ses soins, où il explique avoir quelque peu tâtonné, et avoir eu quelques surprises : la poudre de tanin donne une jolie couleur dorée au liquide, et doit être très faiblement dosée au risque de rendre la boisson imbuvable, il ne note aucune différence gustative entre les deux acides utilisés, la glycérine eut un effet très positif sur la texture ainsi que sur le goût (rendant le sucre obsolète).

Conclusions de ce premier essai, qui demanda un week-end entier et 15 formules différentes : décevant. Le résultat est encore trop éloigné du goût du vin, bien que la boisson soit "buvable", il n'y a aucune "finale", et il semble manquer des ingrédients.

Depuis, le procédé a été amélioré, perfectionné, et Lee et Chua ont mis en vente 500 bouteilles d'une boisson imitant un Dom Pérignon 1992, au prix de $50 (hors frais de port). Les bouteilles devraient être expédiées dans le courant de l'été 2016. Nous avons évidemment passé une commande... et nous vous tiendrons au courant !

Un avis ?

Bien évidemment, cette boisson n'est pas et ne sera jamais du vin. Impossible de se substituer au travail nécessaire à produire une bouteille, et qu'on oublie parfois quand on a un verre en main : les années de travail des vignerons, de croissance de la vigne, les semaines pendant lesquelles les raisins ont mûri au soleil, la fermentation, les mois d'attente ensuite, en bouteille ou dans des tonneaux... Toute la substance du vin, en somme.

Le procédé peut être intéressant, appliqué à de vieux flacons rares, afin d'en imiter les arômes et le goût et de les faire découvrir, mais on a du mal à imaginer les producteurs convaincus par l'idée. Idée qui pourrait tout à fait intéresser les faussaires de vin et revendeurs de contrefaçon, soit dit au passage.

Enfin, la partie "arômes" aurait davantage d'applications, avec la création d'olfacteurs pour faire découvrir les vins par l'odorat. Mais ce serait omettre l'infinie complexité du bouquet d'un vin : on s'accorde généralement à dire qu'une bouteille de vin contient un millier de composants olfactifs !

Crédits photos et informations : Ava Winery


Quelques mots sur l'auteur : Julie

La créatrice et rédactrice-en-chef de la Feuille de Vigne partage son temps entre un bureau (avec vue sur les vignes) et les vignes de France et d'ailleurs, et ne cache pas son intérêt pour les bouteilles les plus surprenantes, les vignobles les plus inattendus, et les vins étranges et étrangers.


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