Le 13/09/2016 par Mohamed Boudellal
Les Côtes de Gascogne désignent les vins produits sur territoire où l’on peut faire de l’armagnac. Leur aire de production se situe ainsi dans le département du Gers pour l’essentiel, et marginalement dans ceux des Landes et du Lot-et-Garonne. C’est le déclin quantitatif de la célèbre eau-de-vie qui est en quelque sorte à l’origine du vignoble. Il y a eu alors une reconversion des vignes destinées à la distillation en vignes pour faire du vin. Dans cette mutation, l’encépagement a été profondément remanié tout en restant très fortement axé sur les blancs.
La vocation du vignoble pour cette couleur, sous forme d’expressions résolument fraîches et foncièrement aromatiques, a été promue par des acteurs imposants dont la réputation a dépassé le marché national. Par son impact, ce succès a rejailli chez les producteurs qui se sont inscrits dans leur sillage, suscitant un contexte d’émulation qui a profité jusqu’à des structures modestes, de nature plus vigneronne. Ce constat, je l’ai fait à l’occasion de ma récente tournée dans ce vignoble d’où j’ai rapporté quelques "morceaux choisis".
Les vins des Côtes de Gascogne entrent dans la catégorie des IGP (Indication Géographique Protégée), dénominations dont la souplesse de règlementation a permis ici de faire usage de nombreux cépages. Ainsi, lors de la reconversion du vignoble, des variétés donnant l’armagnac seul le colombard et l’ugni blanc ont été conservés tandis que d’autres espèces régionales leur ont été adjointes, principalement le gros manseng, pivot d’une majorité de vins. Parmi celles « importées », le chardonnay et le sauvignon se sont visiblement bien acclimatés. En rouge, ce sont surtout les cépages aquitains, merlot et cabernets, qui viennent compléter le tannat local.
Avec 85 % des volumes, les blancs dominent la production et se déclinent en sec, moelleux ou doux. Les vertus des terroirs gascons font qu’ils ont une bonne acidité, gage d’une fraîcheur qui toutefois n’exclut pas des aspects incisifs déplaisants. Ces derniers peuvent être atténués par une très légère présence de sucres dans les produits dits secs, une pratique bien sûr autorisée. L’autre qualité remarquable des blancs réside dans leur exubérance aromatique. Aujourd’hui, grâce à des techniques éprouvées autant dans la vigne que dans le chai, on parvient à les doter de registres toniques évoquant des agrumes et/ou des fruits tropicaux. D’autres technologies interviennent dans leur élaboration, notamment pour les étoffer de manière à obtenir des sensations juteuses des plus stimulantes.
En rouge, c’est l’option de vins légers et friands qui domine un peu partout, tandis que des expressions plus complètent naissent sur des secteurs argilo-calcaires, spécialement ceux de la Ténarèze(*), sous la houlette de quelques domaines dynamiques. Dans leur ensemble, les rosés font bonne impression, modérément colorés sans être pâles, ils jouent la carte d’un fruit frais et se montrent désaltérants.
J’ai donc parcouru les routes de la Gascogne pour visiter les incontournables de l’appellation, des domaines en plein essor et d’autres de taille plus modeste mais pleins de mérite. A chaque étape, une dégustation exhaustive m’a permis de prendre la mesure d’un style et de désigner un coup de cœur.
Les producteurs sont classés dans l’ordre de mes visites et les prix indiqués sont ceux pratiqués au domaine.
Vignobles Brumont
Souverain en Madiran, Alain Brumont s’est penché sur les Côtes de Gascogne avec le brio qu’on lui connaît. Pour partie en propriété et partie en achat de raisins, ses vins, d’un style immédiat, respectent la vocation de l’appellation.
Domaine Millet
Succédant à son père, Laurence Dèche élabore des vins délicats qui se démarquent dans un concert d’expressions plutôt vivaces, et en cela s’avèrent attachants.
Villa Dria
Jean-Pierre Drieux a créé son domaine en 2008 en le dotant d’une cave ingénieuse. Dans un style bien trouvé, ses produits possèdent une enviable expressivité.
Plaimont
Cette union de coopératives est le premier opérateur régional puisqu’elle exploite 3.200 ha sur les 13.000 que totalise le vignoble. Elle décline sa production en cuvées aux noms évocateurs et pleines de vitalité.
Domaine du Tariquet
Propriété phare des Côtes de Gascogne avec à l’appui un immense vignoble (1025 ha), elle a su allier avec succès qualité et quantité au profit de produits fiables et séducteurs.
Domaine de Pellehaut
Autre acteur majeur, ce domaine est aux mains des frères Martin et Mathieu Béraud qui conjuguent leurs métiers pour se démarquer avec des rouges accomplis et même ambitieux. Le reste de la gamme n’appelle que des compliments.
Domaine Chiroulet
Par des vins peu communs, surtout en rouge, Philippe Fezas a démontré la valeur de son terroir proche de Larroque-sur-Losse. Il est cité comme la référence dans cette couleur, à juste titre.
Domaine Meillan
Proche du précédent et relativement petit (36 ha), ce domaine est conduit par Sylvain Aubry qui, malgré des moyens de fortune, élabore avec talent des blancs très corrects et des rouges complets, dans l’esprit de son célèbre voisin.
Domaine Magnaut
Jean-Marie Terraube est un vigneron inspiré et exigeant ainsi qu’en témoigne une gamme de vins au profil précis et pleins d’éclat.
Domaine Uby
Devenu en peu d’années un acteur de tout premier plan et géré consciencieusement par François Morel, ce domaine fonctionne comme une winery avec des vignerons partenaires. Sa production reflète un dynamisme peu commun, moteur de sa réussite.
Domaine de Joÿ
Si ses blancs secs surprennent par leur genre suranné, à fortiori dans le contexte local, ses moelleux et doux restent remarquables.
Domaine d’Embidoure
Les sœurs Nathalie et Sandrine Ménégazzo ont repris le legs d’un père qui a fait de ce domaine un producteur de rouges par excellence.
(*) La Ténarèze est l’une des trois zones de l’aire de production de l’armagnac, les autres étant le Haut-Armagnac et le Bas-Armagnac. Son terroir comporte par endroits des veines argilo-calcaires reconnus comme propices à faire des rouges avec du fond et structurés.
Crédit photo : Michel Carossio
Diplômé en histoire de l'art, Mohamed Boudellal est journaliste et consultant en vins. Il a écrit pour la presse spécialisée, principalement pour la Revue du Vin de France, et d'autres titres comme L'Amateur de Bordeaux, Gault-Millau et Terre de Vins. Il a également été correspondant pour le webmagazine Le Journal du Vin, et est co-auteur dans l'édition 2016 du "Grand Larousse du Vin".