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Découverte

Le 19/09/2017 par Mohamed Boudellal

La renaissance de Châteaumeillant

La renaissance de Châteaumeillant

La région du Berry comporte des vignobles connus, sinon célèbres, comme ceux de Sancerre et de Pouilly Fumé. A leur côté, celui de Châteaumeillant fait presque figure d’inconnu. Son isolement géographique l’explique en grande partie. Très excentrée par rapport à celle de ses pairs, et qui plus est à l’écart des grands axes routiers, sa situation l’a longtemps maintenu à l’écart de leur progression. Ainsi, il lui faudra attendre 2010 pour rejoindre le cercle des appellations d’origine du Centre Loire.

Modeste en superficie (80 ha), l’AOC Châteaumeillant exclut le blanc et ne permet de produire qu’en rouge et en rosé, appelé localement gris. Quelle que soit leur couleur, la composition des vins favorise très largement le gamay, cépage prépondérant dans les plantations, et se voit généralement complétée de pinot noir. Très marginal, le pinot gris n’est admis que pour faire du rosé. Distinct des calcaires prédominants dans les autres vignobles de la région, le terroir de Châteaumeillant est constitué de sols siliceux dont les couches inférieures sont de nature métamorphique(1). C’est cette origine spécifique qui confère à ses rouges un cachet particulier et favorise leur caractère tendre et foncièrement fruité.

Une démarche collective unique

Le fait le plus marquant du vignoble de Châteaumeillant est qu’il se trouve très majoritairement exploité par des structures collectives qui ne s’assimilent pas pour autant à des coopératives au sens commun du terme, puisqu’elles permettent à chaque viticulteur ou propriétaire de vignes de faire et/ou de disposer de son propre vin.

Dans cette considération, l’entreprise la plus significative est celle qui a succédé à la coopérative locale, après que celle-ci a définitivement cessé son activité. Créée en 2012, la nouvelle entité fait bénéficier chaque adhérent de l’équipement commun pour produire son vin. Principal acteur de l’appellation, cette structure rassemble environ 45 ha de vignes. Elle est doublée d’une affaire de négoce nommée Bituriges Vins. L’instigateur de ce concept original est Daniel Nairaud qui fait ses propres vins sous l’étiquette Domaine Nairaud-Suberville.
Suivant une pratique similaire, la cave du Domaine du Chaillot sert d’unité de production à des propriétaires qui ont confié culture et vinification à Pierre Picot, vigneron de ce domaine, agissant alors en prestataire. Les affiliés à ce groupement se chargent donc de la vente de leur produit et s’impliquent un tant soit peu dans son mode d’élaboration.
Enfin, c’est sous la forme d’une société coopérative de mise en commun de matériels, ayant statut de C.U.M.A.(2), que des vignerons aguerris, parfois déjà acteurs sur les vignobles de Quincy et de Reuilly, se sont regroupés pour produire des vins à leur mesure. Situé au hameau de La Bidoire, non loin du village de Châteaumeillant, leur chai est aujourd’hui un outil efficient, permettant des vinifications par gravité(3) et procurant des expressions bien individualisées.

Des domaines remarquables

La faible superficie du vignoble et le nombre restreint d’acteurs m’ont permis d’en faire un large tour d’horizon. Une dégustation préalable à mes visites a dévoilé un ensemble d’une qualité et d’un rendu étonnamment homogène, surtout dans les rouges. La plupart de ces derniers présentait un profil sensoriel distinguant le gamay, mais dans son aspect le plus frais, assimilable à des fruits rouges (cerise) ou noirs ainsi qu’à un complexe épice/réglisse. Outre cette dynamique dans l’expression du fruit, j’ai noté un équilibre et une souplesse bien trouvés et accordés à une vocation de vins à apprécier dans leur jeunesse. Leur structure était à l’avenant, peu affirmée et toujours aimable, traduisant par ailleurs un type de terroir propice à délivrer des tanins tendres.

Domaine du Chaillot
Avant tout céréalier et passionné par la notion de terroir, Pierre Picot a été le pionnier du renouveau de Châteaumeillant. Il s’est notamment battu pour faire admettre en appellation des terrains qui en étaient exclus, situés sur la commune de Vesdun où la vigne avait disparu. Il y exploite aujourd’hui 6 ha plantés exclusivement de gamay sur des sols de micaschistes.

  • Mon vin préféré : rouge 2016 « Rêvésens » (12 €)
    Plénitude et soyeux caractérisent ce vin encore jeune, où le fruit se croque sans perdre en raffinement.

Domaine Angélique Gabrielle
Créé en 2014 par une jeune vigneronne dont il porte le nom, ce domaine couvre à présent un peu moins de 3 ha. Possédant sa propre cave, elle y élabore des vins avec un naturel qui n’exclut pas l’élégance. Toutes les cuvées mériteraient une mention (rosé « N° 23, rouge « Le Rubis »). Un talent à suivre.

  • Mon vin préféré : rouge « Julius » 2014 (7 €)
    Un ensemble harmonieux, gorgé de fruit, au corps ample et à la texture juteuse.

Domaine Goyer
En marge de leur activité de céréaliers, Claire et Samuel Goyer cultivent 2,3 ha de vignes dont les raisins sont vinifiés au sein de la CUMA de la Bidoire. Largement dominés par le gamay, le rouge ou le rosé sont les reflets d’une élaboration soignée, au bénéfice de vins harmonieux et qui n’excluent pas le plaisir du fruit.

  • Mon vin préféré : rouge 2015 (7,70 €)
    Il se distingue par une sève fraîche qui donne du velouté à une matière riche et savoureuse.

Domaine Nairaud-Suberville
Particulièrement entreprenant, Daniel Nairaud ne se contente pas de gérer l’activité qu’il a créée et se montre un digne meneur comme vigneron en élaborant des vins parmi les plus achevés de Châteaumeillant, spécialement en rosé. Il affectionne particulièrement les cuvées issues de parcelles déterminées en les baptisant du nom de leur lieu-dit. L’une d’elle, « Le Beau Merle », provient de vignes centenaires et même pré-phylloxériques, propices à faire un vin qui se garde, ainsi un 2015 plein de promesses.

  • Mon rouge préféré : « Les Valettes » 2015 (8,90 €)
    Pour son joli parfum, sa chair tendre et succulente, matrice d’un goût frais et pénétrant.
  • Mon rosé préféré : « Reflets des Sept Fons » 2016 (9,90 €)
    Pour son nez de pêche, sa distinction et sa nature pleinement gourmande.

Jacques Rouzé
Œuvrant surtout à Quincy, où il a sa réputation, ce vigneron possède ici 1,6 ha et partage la structure commune de vinification de La Bidoire. Ses vignes sont plantées sur des sols les plus propices à l’épanouissement de chaque cépage. Il n’élabore qu’un rouge où l’alliance du gamay et du pinot noir joue à merveille, et qui se distingue de la moyenne par un caractère nuancé et sensiblement épicé.

  • Mon vin préféré : rouge 2015 « Grappes » (7,50 €)
    Bien exprimé, le pinot noir donne une respiration supplémentaire à un vin au grain de texture délicat et d’un goût particulièrement persistant.

Domaine Siret-Courtaud
L’exploitation principale de Vincent Siret-Courtaud se trouve sur Quincy. Ici il possède 3 ha qu’il vinifie avec tout son métier dans le chai collectif de la Bidoire. Issu en partie de vieilles vignes, son rouge traduit brillamment son savoir-faire et constitue un bel archétype de l’appellation.

  • Mon vin préféré : rouge 2015 « Tradition » (9,50 €)
    On y apprécie l’expressivité du fruit, un bel équilibre et une typicité accomplie.

(1) Le vignoble de Châteaumeillant tire sa singularité de sa proximité du Massif Central, avec sa géologie spécifique, le métamorphisme, concrétisée à son endroit par des sous-sols de grès, de gneiss et, plus marginalement, de micaschistes.
(2) C.U.M.A. : abréviation de coopérative d’utilisation de matériel agricole.
(3) Méthode consistant à ne pas se servir de pompe pendant le processus de vinification, depuis l’apport du raisin jusqu’au produit final. C’est la configuration de la cave qui le permet, les transferts de matière entre les contenants se faisant sans recourir à des procédés mécaniques, en utilisant le principe naturel de gravité.


Quelques mots sur l'auteur : Mohamed Boudellal

Diplômé en histoire de l'art, Mohamed Boudellal est journaliste et consultant en vins. Il a écrit pour la presse spécialisée, principalement pour la Revue du Vin de France, et d'autres titres comme L'Amateur de Bordeaux, Gault-Millau et Terre de Vins. Il a également été correspondant pour le webmagazine Le Journal du Vin, et est co-auteur dans l'édition 2016 du "Grand Larousse du Vin".


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