Côté Culture
Le 12/06/2012 par Olivier Lebaron
Le changement de la vigne en vain
Bien que les médias nous enchantent en nous racontant des histoires, la réalité nous rappelle à l’ordre, aux choses profondes qui régissent les territoires de nos vies! En effet, ces dernières années, qui n'a pas vu un de ces reportages à la télé ou lu ces dossiers de fond dans nombre de magazines, sur le retour à la campagne des citadins en nous expliquant avec force témoignages que la tendance se serait inversée, concluant que suite à l’exode rural de l’après guerre nous assisterions à un nouvel exode, celui-ci urbain.
Alors quelle ne fut pas ma surprise, il y a quelques jours, en lisant avec application la dernière publication des SAFER (Sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural), que nos campagnes se vident toujours et inexorablement de nos paysans, ce depuis les années 1950 jusqu’à nos jours.
L’impact sur l’emploi
Si en 1955 la France comptait 2,2 millions d’exploitations et 6,1 millions d’actifs agricoles, en 2000, il ne subsistait déjà plus que 660 000 structures employant 1,3 million d’actifs.
La tendance s’est poursuivie dans la décennie 2000, pour atteindre en 2010, 490 000 exploitations pour 970 000 actifs.
Si les exploitations familiales résistent, elles lâchent prise un peu plus chaque année sous la pression de concentration de sociétés qui grossissent en surface.
Ainsi la campagne se restructure. Elle perd de sa diversité et évolue vers un monde moderne où l’entreprise gagne sur la famille. La personne morale prend le pas sur l’individu faisant du monde agricole une terre de plus en plus déserte, sans liens, sans transmission filiale.
Le vrai prix des vignes
Dans cette étude, décidément, on tire un autre enseignement d’importance, qui va nous aider à mieux comprendre la disparité entre les régions viticoles et l’absence d’homogénéité sur le territoire.
Il y a en effet deux pôles très nets qui se distinguent. Une première différentiation s’explique par la classification de la vigne, avec un écart du prix moyen de plus de 88000 euros par hectare, entre une vigne en Indication Géographique Protégée, anciennement vin de pays (11100 euros l’hectare) et une vigne en appellation d’origine protégée, à savoir une AOC à 99400 euros l’hectare. Vous l’aurez deviné, un vin sous appellation se vend plus cher qu’un vin de table, de cépage ou de pays!
La deuxième différentiation, entre les régions viticoles, révèle, s’il le fallait encore, l’incroyable grand écart entre la Champagne et les autres avant tout, et plus généralement entre les grandes régions de réputation mondiale et celles soumises à une rude concurrence sur le marché international. On note ainsi en 2011 en Champagne un prix moyen (je dis bien moyen, pas maximal) de 900 000 euros pour un hectare, à comparer au prix maximum de 40 000 euros pour un hectare de vigne en Languedoc-Roussillon ou en Val de Loire.
Au-delà de cette étude, on réalise ainsi que la mondialisation, de plusieurs manières, pèse sur notre propre sol et notre agriculture, et n’a pas qu’un impact sur notre industrie. La preuve avec la Chine qui devient depuis peu l’obsession des "vignerons" Bordelais: d’un côté ceux qui vendent leurs propriétés à des investisseurs chinois et de l’autre ceux dont l’essor du marché asiatique a permis de relancer leur vente à l’export.
Olivier Lebaron - Showviniste
Crédit photo: Olivier Lebaron
Quelques mots sur l'auteur : Olivier Lebaron
C'est le vin qui a guidé ses pas vers le Languedoc, à Pézenas où Olivier Lebaron vit maintenant. Témoin vibrant d'un patrimoine en mouvement dans ce pays d'art et d'histoire, il sillonne la vigne à la recherche de vignerons atypiques dont il fait partager la rencontre sur son blog ShowViniste, qu'il définit comme le "blog citoyen du vin". Par son regard décalé du vignoble, il aime à illustrer ses articles d'images originales et soignées.
Responsable Marketing et Technologie pour Vitisphere, Olivier Lebaron se distingue également par son ouvrage pédagogique "Vin, Internet et Mobilité: la révolution", paru en 2011 aux éditions Féret. En pro des réseaux sociaux, vous pouvez le retrouver sur son profil Facebook, sur Twitter (@ShowViniste) et aussi sur Pinterest.
