Billet d'Humeur
Le 20/08/2012 par Maxime
Le palais parfait existe-t-il?
Il est rare de savoir déguster le vin dès la première gorgée, aussi tout amateur passe-t-il un certain temps à s'intéresser à ce breuvage, à y plonger son nez, à le faire tourner sur ses papilles afin que, de verre en verre, il affine son palais et soit en mesure de détecter des arômes, des saveurs, des goûts qui jusque là lui étaient inconnus. On apprend à sentir la finesse et la texture des tanins, reconnaître des arômes familiers, détecter le niveau d'acidité, de sucrosité et d'alcool...
Pourtant, à la base, nous ne sommes pas égaux. On estime qu'un quart de la population est doté d'un palais très sensible, un quart d'un palais peu sensible, et la moitié d'un palais tout à fait normal. On définit ici la sensibilité du palais par la notion de puissance et non de finesse (sentir qu'un vin a des arômes puissants, et pas forcément les détecter et les reconnaître tous). Alors qu'est-ce qui fait les meilleurs dégustateurs?
Le super dégustateur joue à tous les niveaux
- Un palais sensible à très sensible
- Une bonne capacité à s'exprimer et à mettre des mots précis et compréhensibles par tous, sur des sensations
- Des souvenirs olfactifs et gustatifs riches
- Une excellente mémoire (et une bonne prise de notes)
C'est surtout la mémoire qui importe, en définitive. Être capable de se souvenir des vins que l'on a bus, de se rappeler les odeurs et ce qu'elles évoquent lors de la dégustation, de comparer tel vin à ce qu'il a été si on l'a goûté auparavant, ou à d'autres vins de son appellation, de son cépage, de son producteur... Souvent, il ne s'agit pas de décrire un vin en soi, mais d'utiliser sa mémoire pour identifier en quoi il est original.
Pensez aux notes de dégustation "en série" des guides de vin, où on voit bien que 30 champagnes voire plus ont été dégustés et, c'est inévitable, comparés. Pensez que, pour chaque note de dégustation publiée individuellement, le dégustateur a comparé mentalement ce vin à d'autres, pour ne pas décrire un Bourgueil typique (ce qui est le cas pour au moins 80% des Bourgueil), mais décrire CE vin, pourquoi il représente son appellation et en quoi il porte la griffe de son producteur.
Travailler sa mémoire et prendre des notesL'idéal pour être un super dégustateur doté d'une mémoire hors du commun? La travailler, et surtout la soutenir avec des notes de dégustation écrites. Non seulement les notes resteront, ne bougeront pas et constitueront une source fiable d'information, mais écrire ce que l'on ressent et ce que l'on pense permet aussi de figer ses impressions, de mieux les exprimer que si elles restaient simplement mentales, et surtout de s'assurer qu'elles sont complètes (oeil, nez, bouche, arômes, tanins, acidité, alcool, sucre, potentiel, etc.).
Aucun dégustateur n'est parfait
Admettons pour la mémoire exceptionnelle, la finesse et la puissance de perception du palais... il n'en reste pas moins que tout est relatif. Concernant la super-sensibilité du palais, par exemple, nous ne sommes pas tous sensibles aux mêmes choses. Certains seront très doués pour détecter la molécule responsable du goût de bouchon, d'autres pour le niveau précis d'alcool ou le degré d'acidité!
Deuxième point de différence: l'expérience. Nous sommes issus de milieux différents, avec des souvenirs différents faisant que tel arôme nous est agréable et familier, et tel autre nous évoque une chose désagréable. Mécaniquement, les mots pour décrire ces sensations seront différents, un vin ne plaira pas à untel et sera le préféré de tel autre.
Ne pas trop en faireEnfin, il reste un défaut majeur que tout "apprenti-dégustateur" doit apprendre à reconnaître: l'excès de descriptif. C'est très beau et appréciable de chercher à identifier avec précision tous les arômes qu'un vin évoque, le bourgeon de cassis, la pomme granny, la confiture de myrtille, le sureau, la truffe... Il n'empêche que vous goûterez parfois des vins simples, pour lesquels la profusion d'arômes est inutile, ou pire, contre-productive. Oui, sur certaines bouteilles, on peut se contenter de dire "fruité et simple", ça leur va très bien, ça peut même être très bon, d'ailleurs!
Quelques mots sur l'auteur : Maxime
L'équipe de la FDV ne manque pas de profils atypiques, et Maxime ne fait pas exception à la règle. Il a appris le vin "sur le tas", se formant au gré de ses voyages auprès de sommeliers, d'oenologues, de vignerons, de cavistes et de négociants. Ses périples dans les vignes doivent bien le changer de ses années sur les bancs de la faculté de droit. Mais, qui sait, ces dernières peuvent toujours servir, surtout dans un secteur où la régulation est de mise!
