Le 20/11/2012 par Julie
Il y a quelques temps, nous avons été invités à une dégustation unique des meilleurs vins de Bordeaux, par l'Union des Grands Crus de Bordeaux, au Petit Palais (Paris). Ce fut certes l'occasion de goûter à des crus uniques, mais aussi et surtout celle de se poser une question centrale: qu'est-ce qui fait un Grand Cru du Bordelais?
Les Grands Crus de Bourgogne et de Champagne sont des vins issus de vignobles particuliers, mais à Bordeaux ce titre récompense des domaines et des châteaux se distinguant par la qualité de leur production depuis des décennies. Classement de 1855, classements de Saint-Emilion, et j'en passe... Quelle que soit la valeur que chacun attribue à ces classements, il reste un fait indiscutable: en 2012, ces vins et ces propriétés sont hors du commun, et méritent qu'on s'y attarde quelque peu.
Quand on sait que certains étaient déjà considérés comme les meilleurs au milieu du 19ème siècle, on ne peut que se dire que le lieu de la dégustation était tout approprié. Le Petit Palais, construit pour l'Exposition Universelle de 1900 et devenu aujourd'hui musée des Beaux-Arts, symbolise à la fois une certaine vision de la France dans le monde (exportatrice des plus grands vins, hôte privilégié en 1900) et une certaine vision de la qualité, où le bon et le beau se rejoignent pour durer.
Les Grands Crus de Bordeaux, de même, ce sont des vins faits pour durer, faits dans un souci d'esthétique et d'art autant que de simple qualité oenologique. On pourrait décrier les grands châteaux, les immenses propriétés, pourtant en cave et dans les vignes ce sont toujours des passionnés qui s'affairent, à traquer le moindre raisin trop vert ou trop mûr, à viser la perfection comme l'artiste peaufinant son oeuvre.
Et c'est précisément ce côté "artistique" qui, doublé de la variété des sols, des terroirs et cépages, fait la diversité et la richesse du Bordelais, où les vins portent la trace de leur domaine ou château.
Les appellations sont déjà la marque d'une grande diversité, entre la rive droite (sur votre droite si vous descendez la Garonne) et la rive gauche, entre le Médoc, l'Entre-Deux-Mers, les Graves, le Blayais, le Bourgeais, le Sauternais ou le Libournais... Les cépages peuvent être communs, du Cabernet Sauvignon au Merlot en passant par le Malbec, le Petit Verdot et le Cabernet Franc, mais ce sont les proportions qui changent. Ainsi, dans les blancs, de la dominante Sauvignon Blanc des vins de Pessac-Léognan à la dominante Sémillon du Sauternes et du Barsac, deux mondes se font face.
Cependant, d'une propriété à sa voisine, c'est l'esprit et la philosophie qui feront la différence et marqueront la signature d'un domaine ou d'un château.
Et si les Grands Crus de Bordeaux sont passés à la postérité et continuent à être appréciés, c'est à la fois pour leurs différences et pour leur unité, chacun s'efforçant de produire la meilleure qualité possible et contribuant ainsi à hisser l'image globale de cette région et de ses crus.
La créatrice et rédactrice-en-chef de la Feuille de Vigne partage son temps entre un bureau (avec vue sur les vignes) et les vignes de France et d'ailleurs, et ne cache pas son intérêt pour les bouteilles les plus surprenantes, les vignobles les plus inattendus, et les vins étranges et étrangers.