Le 13/12/2012 par Julie
Côté réputation et potentiel (de garde), les vins des Côtes de Provence souffrent d'un double handicap. "Côtes de", pour commencer, qui sous-entend qu'il s'agit d'une appellation générique, donc nécessairement moins qualitative et ayant moins de potentiel qu'un "cru" ou qu'une appellation "village". Par ailleurs, ces vins sont peu connus, l'appellation étant généralement plus réputée pour ses rosés d'été que pour produire de grands vins rouges de garde.
Alors, quelle garde pour les vins des Côtes de Provence, les rosés et les autres?
Côté rosé, ce sont des vins généralement pâles et lumineux, qui allient rondeur et un goût acidulé à une grande complexité aromatique.
Dans les blancs, on retiendra surtout le cépage Rolle (ou Vermentino, aussi cultivé en Corse ou en Italie), capable de produire de grands vins blancs aromatiques, frais et amples.
Les rouges enfin sont des vins d'assemblage, aux accents de syrah, grenache noir, mourvèdre, carignan, cinsault, voire cabernet sauvignon, tibouren et autres cépages autochtones. Si certains sont souples, gourmands et frais, à déguster relativement jeunes, d'autres sont généreux, élevés en barriques et charpentés, capables de se faire attendre plusieurs années.
Les rosés sont rarement faits pour la garde, et se consommeront idéalement dans leurs 4 premières années, mais c'est du côté des blancs et des rouges que les Côtes de Provence surprennent le dégustateur qui aurait "oublié" quelques bouteilles dans le fond de sa cave. La preuve par l'exemple:
Des blancs jusqu'à 10 ou 15 ansAinsi un Côtes de Provence blanc 2007 du domaine Bastide Neuve, cuvée Clos des Muraires, 100% Rolle, qui fait encore preuve, au bout de 5 ans, d'une magnifique fraîcheur et d'une grande complexité aromatique. Des notes d'herbes et aromates se sont développées avec le temps, qui seront par ailleurs sublimées avec des plats relevés d'une pincée d'estragon!
Ainsi encore la Cuvée Spéciale du Château de Berne, millésime 1999 et assemblage de Rolle et de Sémillon (cépage du Sauternais, réputé pour son potentiel de garde), qui se démarque par une pointe oxydative tout à fait bienvenue et des notes iodées, tout en gardant une certaine fraîcheur.
Du côté des rouges, 10 ans de garde leur font rarement peur. Jeunes, ils se distinguent par des fruits rouges et une bonne charpente tannique. Les millésimes 2003 et 2004 montrent aujourd'hui un profil plus animal, toujours puissant, aux accents de garrigue, de cuir et de musc.
Bel exemple du genre que le millésime 2004 du Château Volterra, assemblage de Mourvèdre et de Cabernet Sauvignon, ou le millésime 2000 du Château la Mascaronne (cuvée Fazioli), un vin très intense au nez de cassis et de champignons. Magnifique illustration, également, que le Clarendon du Domaine Gavoty, millésime 1990, un vin soyeux et très fin aux accents de réglisse et de garrigue.
Quels vins offrent la meilleure garde?
Il va de soi que tous les vins ne se garderont pas un même temps, et à défaut d'avoir le vigneron sous la main ou d'avoir soi-même goûté un vin dans sa jeunesse ou plus vieux, quelques indices peuvent mettre sur la piste, sans que l'on puisse pour autant généraliser absolument.
Les cépages Rolle et Sémillon pour les vins blancs permettront aux cuvées de garder de la fraîcheur, donc de dépasser avec plus de facilité le cap des 5 ans. Il en sera de même pour un élevage "sur lies".
Pour les rouges, c'est souvent le passage en barriques ou en foudres qui aidera les vins à vieillir, qui assouplira leur charpente pour leur donner richesse et complexité pour les années à venir, de 10 à 20 ans pour les plus chanceux.
Mais, dans toutes les couleurs, gardez à l'esprit que bon vin ne saurait mentir: un vin simple, facile à boire et sans relief dans sa jeunesse aura rarement le potentiel de dépasser quelques années de garde!
Pour parfaire les Côtes de Provence rouges de 10 ans et plus, voici une jolie recette de Cyril Lignac, qui leur ira à merveille:
Brochettes de bœuf Black Angus, aux champignons de saison, quelques fruits rouges à l’amandon de pruneau
(pour une dizaine de personnes)
Brochettes:
Finition:
Les brochettes:
Coupez les cèpes en quartiers. Si les cèpes sont très gros, séparez les pieds des têtes.
Faites chauffer un filet d’huile d’olive, ajoutez les quartiers de cèpes à feu vif, assaisonnez de sel fin et de poivre du moulin. Quand ils sont dorés, débarrassez-les et renouvelez la manipulation avec d’autres champignons (pieds bleus).
Montez les brochettes en piquant alternativement les cubes de bœuf et champignons. Faites chauffer le beurre dans une sauteuse avec un filet d’huile, saisissez les brochettes 1 minute de chaque côté, débarrassez. Parsemez de fleur de sel.
Les fruits rouges:
Passez à la poêle les fruits rouges et versez quelques gouttes d’huile d’amandon dessus.
Servez les fruits rouges sur les brochettes.
Parsemez d’amandes hachées.
Bon appétit!
La créatrice et rédactrice-en-chef de la Feuille de Vigne partage son temps entre un bureau (avec vue sur les vignes) et les vignes de France et d'ailleurs, et ne cache pas son intérêt pour les bouteilles les plus surprenantes, les vignobles les plus inattendus, et les vins étranges et étrangers.