Au sommaire du #67 du 11/03 au 17/03
	Billet d'Humeur Peut-on être subjectif et réaliste?
	Côté Culture Le rock nature existe-t-il?
	Gastronomie Le poivre blanc de Penja et le vin

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Côté Culture

Le 12/03/2013 par Monsieur Septime

Le rock nature existe-t-il?

NDLR: Quand Monsieur Septime parle du vin, ça peut déranger. Quand il parle de musique, ça interpelle. Et pourtant, parfois, on se demande si, parlant de musique, il ne décrit pas un peu le vin...

Comme un écho lointain, la rumeur était à peine audible. "J'ai assisté au show hier, c'était très bien." Les concerts s'enchainent et les échos se font plus précis. Les français les comparent aux Rita Mitsouko, les américains l'associent à Janis Joplin; l'américain ne fait jamais dans la demi-mesure quand cela lui plait: "really amazing", "awesome!" . Dans ce petit milieu, ces remarques suscitent l'intérêt et au final on note un nom au fin fond de sa mémoire. Et un jour l'occasion d'entendre un morceau se présente. C'est un choc. L'aspect, l'environnement sonore sont repoussants mais interpellent. On écoute et on se laisse entraîner. La base est là et solide. Pourtant l'attaque est pas terrible, l'équilibre est bancal et la finale trop abrupte. C'est pleins de défauts mais Mon Dieu que c'est bon.

Sans habillage, sans production, c'est brut; presque tribal mais l'émotion est là, intense. Un désir que ce moment ne finisse jamais. Dans une société où l'apparence est devenue une des valeurs fondamentales, où le contrôle de ses émotions est la norme sociale, un plaisir brut sans forfaiture est salvateur. On veut de suite découvrir le reste mais parfois cela va trop loin.

On a du mal à appréhender l'oeuvre dans son ensemble. Des choses nous échappent. Ce qui semble brouillon cache quelque chose de beaucoup plus riche. Dans la Théorie de l'empreinte lorsque Bruno Lussato s'intéresse à la transmission de l'information, il en vient à définir le chunk qu'il empreinte à Georges A. Miller. Le chunk est un paquet d'information plus ou moins lourd. Le plus léger est le binaire (0 et 1), ensuite les chunks deviennent de plus en plus lourds car délivrant plus d'informations: lettre -> chaîne alphanumérique -> mot -> phrase -> sémantique -> graphisme -> mimiques / zen -> etc...

Pour illustrer son propos il prend l'exemple du tableau de Guernica peint par Picasso qui délivre un chunk très lourd que peu d'individus peuvent percevoir. Il faut pour cela le découper en chunks plus légers pour rendre le tableau accessible. "La pédagogie consiste à procéder par étapes. Tout d'abord, on transmet les sous-ensembles et leur contenu sémantique et émotionnel : taureau, femme à l'enfant, cheval, guerrier, etc... Chacun des sous-ensembles est, à son tour, décomposé: le nez de l'enfant tombe, les mains de la mère portent des cicatrices, etc. Une mention particulière est posée pour les codes expressifs: langue et dents aiguës pour le cri, troisième œil du taureau. Puis vient la mise en relation des sous-ensembles: triangle du Cri (cheval, mère, oiseau) et triangle de la Mort (enfant, guerrier, femme). Enfin les schémas formels: triptyques, pyramide, nombre d'or. Puis par une réitération, on en revient à la Genèse et à l'interprétation des sous-ensembles: ampoule-œil, oiseau-paix ... pour terminer par une vision globale: massacre ou crucifixion. (...) la vision du tableau s'est radicalement modifiée pour les spectateurs médusés. Là où il n'y avait qu'émotion diffuse, incohérence formelle, apparaissent l'ordre souverain, la nécessité de chaque détail, la complexité calculée et puis... ressentie."

A ce qu'on ne peut saisir mais qu'on pressent, le pédagogue, en divisant un chunk lourd en sous-ensembles, facilite l'assimilation des chunks moyens et ensuite par réassemblage la compréhension du chunk lourd: un véritable "plan de montage". Ainsi sur ce qui nous échappe, nous aimons de manière informelle échanger sur des sensations. Un amateur éclairé viendra surement nous aider dans notre recherche et petit à petit l'assimilation des sous-ensembles, nous permettra de comprendre l'oeuvre dans son ensemble. Un nouveau regard, une nouvelle compréhension. La passion nous emporte et le désir est vif de faire découvrir à ses proches cette pépite. La sélection est rigoureuse afin de ne pas apeurer un auditoire novice et obtenir l'effet inverse que celui recherché.

Pourquoi cet engagement, cette volonté de partager, alors qu'il est si facile de choisir des choses plus marketées ou de se laisser porter par le main stream? "Gangnam Style" de Psy a convaincu la planète entière. Forbes en fait un incontournable. Le gouvernement soutient, softpower oblige. Les experts conseillent. C'est propre, bien produit et il est vrai très efficace comme tous ces clones tels que Sistar ou F(x).
Revenir à l'usage et à l'émotionC'est tellement efficace que cela ne demande qu'à être copié voire parodié. C'est sans âme et pour finir seule la gestuelle retient l'attention même si cela trouve parfaitement sa place dans les rayons des department stores. La radio et la télévision ne prennent aucun risque vis à vis du marché et du pouvoir en se cantonnant à ce type de diffusion. En quelques années les intérêts individuels détruisent ainsi une culture millénaire. En effet la société profondément confucéenne suit les préceptes du maître dont l'étude de la musique est un des six arts de base à maîtriser. Dès 6 ans, étudier le piano ou le violon est une nécessité; le virtuose devenant même une marque de fabrique du Nord. Pourtant les années de dictature ont mis à mal cette culture et le business l'a enterré pour assurer ses ventes. En 40 ans l'amateur est devenu consommateur.
L'important n'est plus l'usage mais simplement l'acte d'achat.

Ne laissons pas le marché détruire un des fondamentaux de notre culture. Revenons à l'usage. Dépouillons l'oeuvre de ses oripeaux. Laissons nous emporter par une véritable émotion, qu'elle soit intime ou partagée.

Monsieur Septime

Crédit image: W.E.

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