Au sommaire du #78 du 27/05 au 02/06
	Vins du monde Corée: le vin jalousé par Kim Jong-Un!
	Billet d'Humeur Rasteau, des vins de coeur et de soleil
	Spiritueux Qu'est-ce qui fait un bon gin?

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Vins du monde

Le 27/05/2013 par Monsieur Septime

Corée: le vin jalousé par Kim Jong-Un!

La Corée est peu connue pour son vin. Seuls les quelques touristes qui s'aventurent en Corée du Nord ont eu l'occasion de ramener une bouteille de vin local (vin qui est en réalité fait à partir de myrtilles). Pourtant les Coréens du sud sont friands de raisins et de multiples régions produisent du raisin de table. Les exploitations agricoles ont une taille limitée, définie par la loi (souvent pas plus de 3 hectares), et sont en polyculture, le riz côtoyant étrangement la vigne.

Cultiver la vigne et le raisin en Corée: tout un programme!

Mise à part l'île de Jeju au sud, les conditions climatiques de la péninsule sont loin d'être propice à la culture de la vigne. L'hiver y est très froid, -10° à -20° selon les années, aride et en cette saison les feux de forêts sont fréquents. Au contraire l'été est humide. A cette latitude, c'est un des pays connaissant la plus forte pluviométrie au monde mais concentrée sur deux mois. Pendant cette période, les températures sont plutôt douces (25/27°) mais l'humidité rend le tout insupportable. Les pluies s'accompagnent souvent de catastrophes, d'inondations et de glissements de terrain. La météo du matin ne vous annonce pas les températures prévues mais les quantités d'eau qu'il tombera dans la journée.

Avec de telles conditions climatiques, les cultivateurs se sont adaptés: les vignes sont couvertes pour les mettre à l'abri de la pluie, du soleil et du froid, le sol bâché et les grappes ensachées afin de les protéger des insectes et des champignons. Sachet qu'elles ne quitteront pas le long la chaîne logistique jusqu'au frigo du consommateur.

Le résultat: parfois de beaux fruits mais une forte concurrence

Malgré ces conditions difficiles et des années où le raisin n'est vraiment pas bon, comme en 2011 par exemple, la concurrence fait rage entre les différentes régions de production et la diversification des produits issus de la vigne une nécessité; on pense tout naturellement au jus de raisin mais certaines régions se sont lancées dans la production de vin, dont le comté de Yeongdong (1) au centre de la Corée du Sud.
Avec son relief montagneux, au confins de trois provinces, Yeongdong est souvent comparé à une petite Suisse où la différence d'amplitude thermique entre le jour et la nuit est profitable à la production de raisin. Les qualités gustatives de ses fruits en ont fait la réputation. Depuis plusieurs générations, certains agriculteurs produisent du vin et les choses se professionnalisent en 1994. En effet, dans un marché saturé, la collectivité locale a décidé d'aider les producteurs à proposer des produits dérivés du raisin, et le vin en fait partie (2).

Des programmes d'aide pour les viticulteurs coréens

Afin d'assurer le succès de ces reconversions, l'université locale s'est spécialisée dans les produits alimentaires fermentaires. En 2007 fut mise en place la première formation en vinification, un cursus de 1 an sur quatre niveaux, à raison de 8 heures par semaine. En 2008 c'est une formation en sommellerie qui s'ouvre. Le département vin est chapeauté par un oenologue formé à Toulouse, Monsieur Choï. Et ce n'est pas sans une certaine émotion que Jean-Pierre Souchard, de l'ENSAT, l'a reçu la semaine dernière pour annoncer très officiellement la mise en place d'un échange d'étudiants entre l'université de Yeongdong et le DNO de Toulouse.

Subventions, institut du vin, et voyage d'étude en France

Dans la région, les parcelles sont petites, des exploitations de moins de trois hectares mais spécialisées en fruit. La production de la vigne est destinée indifféremment aux raisins de table ou à faire du vin. Les quelques milliers de bouteilles que produisent chacun des exploitants ne sont pas des très grands crus. L'enjeu à court terme est donc qualitatif et pour cela la collectivité locale vient de débloquer des subventions pour financer la création d'un institut du vin mais finance également des voyages d'études chaque année dans des régions de production. Ce fut d'abord l'Australie, puis l'Italie et l'Allemagne, l'année prochaine ce sera la Californie mais pour 2013 c'était la France. Quelle surprise de voir ainsi une vingtaine de producteurs coréens arpenter les vignobles bordelais et gaillacois en ce week-end prolongé de l'Ascension! Ils ont eu la chance d'être reçus entre autre à Château Barsac en Sauternes et au Domaine du Moulin à Gaillac. Le but du voyage était double: l'étude des levures et comprendre la diversité des terroirs.

Si vous voulez goûter ce vin des antipodes, il faudra comme le cher dirigeant nord coréen, Kim Jong-un, vous déplacer. Le vin n'est vendu qu'à la propriété. Il est ainsi perçu par les producteurs comme le meilleur moyen de développer l'oenotourisme dans la région. Un seul a franchi le pas d'internet et bien que sa production ne soit pas distribuée, il est possible de lui acheter des bouteilles via son site, pour environ 30 000 Wons (21 €) (3).

Monsieur Septime

Crédit photo: Monsieur Septime

(1) La notion de municipalité n'existe pas en Corée à part pour les grandes agglomérations. Le comté / district est une entité administrative regroupant environ 50 000 habitants. Plus d'information sur Yeongdong (en anglais).
(2) Il y a aussi de la distillation, via une double distillation, comme pour l'Armagnac.
(3) Yeopo: quelques photos en animation sur la page d'accueil permet aux visiteurs non coréanophones de comprendre son travail. Yeopo sur Facebook.

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