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Découverte
Vermouth revival |
Le 11/06/2013 par Monsieur Septime
Cocktails Spirits, le salon européen des nouvelles tendances en terme de cocktails qui s'est tenu à Paris au début du mois de juin, a vu le retour sur le devant de la scène d'un des grands oubliés de l'histoire: le vermouth.
Le vermouth puise son origine dans la nuit des temps. L'Homme a toujours ajouté des épices et des aromates pour rendre buvable un vin insipide ou pour faire varier les saveurs. Tout en améliorant le goût, les épices assuraient une meilleure conservation du vin.
L'américain Peter Schaf de Tempus Fugit Spirits s'est fait connaitre pour son travail sur l'absinthe et le lancement sur le marché d'absinthe en collaboration avec des distillateurs. Une trentaine au total. On lui doit notamment la Verte de Fougerolles. C'est ancien chercheur trésor dans les keys en Floride aime à rappeler qu'en 1555 Alessio Piemontes publie "De Secreti del reverendo donno Allesio Piemontese" qui répertorie de nombreuses recettes de vins fortifiés et aromatisés. Il fut très probablement à l’origine des nombreux procédés d’élaboration de vins épicés que l’on retrouvait dans presque tous les foyers et qui furent ultérieurement exploités et commercialisés par les vermouthiers italiens et français. Il n’est donc pas étonnant que la production industrielle de vermouth ait débuté dans cette région du Piémont dont les frontières politiques oscillèrent à de nombreuses reprises entre France et Italie.
C'est donc tout naturellement que les premières productions débutent à Turin en 1786 et impose le nom de vermouth pour ce type de vin (issu de l'allemand Wermut). Le premier vermouth français est produit en 1821 à Chambéry, qui à l'époque est encore capitale du Duché de Savoie. En 1838 la production s'industrialise et permet une diffusion plus large en dehors du Piémont et donc à l'export.
Cette distinction géographique a son importance car le vermouth dit "italien" est rouge et doux, le "français" est blanc et sec. Peter Schaf de préciser: "Liquoriste lyonnais, Joseph Noilly élabora en 1813 le premier vermouth "sec" qui allait définir le style des vermouths français. Ce vermouth fut créé pour "corriger" les arômes et saveurs des vins blancs légers qui, transportés par voie fluviale du sud de la France jusqu’à Lyon (ou plus au nord), s’oxydaient et devenaient impropres à la vente une fois arrivés à destination. (...)
Sa recette fut si bien accueillie que Louis Noilly, le fils de Joseph, en transféra la production dans le midi, d’abord à Marseille, puis en 1850, à Marseillan dans l’Hérault, pour tirer parti des cépages régionaux – clairette, picpoul et muscat – formant la base vinique du vermouth, ainsi que de la proximité des montagnes et de l’étang de Thau où prospèrent les herbes aromatiques utilisées pour la macération. Pour créer le vermouth Original Dry, Noilly Prat fait vieillir en plein air, sous le climat méditerranéen, les fûts de vin fortifié. Le procédé a pour objet de reproduire les effets de la maturation et de l’oxydation ayant lieu dans les barriques transportées sur les pont des navires… en accéléré !"
Le vermouth a une définition précise. C'est un alcool supérieur à 14,5° mais inférieur à 22°. En l'occurrence Martini, qui en France s'est substitué au vermouth, n'en est pas un puisqu'il titre 14,4°. Ce dixième de degré lui permet de ne pas être assujetti aux taxes touchant les alcools titrant plus de 14,5°. Mais où le casse tête débute, c'est que Martini adapte sa recette selon les pays! A Roissy, dans une boutique Duty Free de l'aéroport Charles de Gaulle vous pourrez acheter un Martini qui titre à 16°, sur le marché nord américain il sera à 15°. Seul le Martini Dry titre à 18°, quel que soit son pays de commercialisation.
Toujours à la recherche de nouveautés, les barmen redécouvrent l'apport du vermouth dans la composition de leurs cocktails. Mais les vermouths actuels sont de piètre qualité. Afin de répondre à cette demande, de petits producteurs redécouvrent d'anciennes recettes et lancent sur le marché des vermouths d'une plus grande qualité.
Lors de Cocktails Spirits, à côté du mastodonte Martini on pouvait ainsi découvrir la toute nouvelle gamme développée par Eurowinegate à base de Pinault des Charentes et donc d'Ugni blanc. La gamme s'appelle La Quintinye en hommage à Jean-Baptiste de La Quintinie (ou Quintinye) charentais qui devint jardinier de Louis XIV. La présentation au salon était une première. La commercialisation débutera dans les semaines à venir avec un prix public moyen de 20/25€.
De même le trait confidentiel Vermouth Del Professore de Leonardo Luci était aussi présent. C'est un projet qui fut soutenu par Jerry Thomas Project qui souhaitait un produit de qualité reposant sur une recette plus artisanale. Avec une production de 6000 bouteilles par an, distribué en France par la Maison du Whisky, le succès est au rendez vous et les nouveaux projets ne manquent pas, dont un rouge qui sortira d'ici la fin de l'année et un autre vermouth élevé en fût de whisky qui sera commercialisé surement l'année prochaine.
Les américains de Tempus Fugit Spirits ne sont pas en reste. Visant le marché haut de gamme américain, Peter Schaf a remis au goût du jour d'anciennes recettes. La production a débuté. Le vermouth de TFS recevra pour écrin une bouteille spéciale fabriquée pour l'occasion. Réplique d'une bouteille originale du siècle dernier, la réalisation du moule a été plus longue que prévue mais le résultat est à la hauteur des attentes.
Présent aussi sur le salon, cette engouement est une aubaine pour Dolin, vermoutier à Chambéry depuis 1821.
Monsieur Septime
Crédit photo: Monsieur Septime
Septime, que l'on appelle volontiers "Monsieur" Septime, est un homme aux visages multiples: consultant en management, spécialiste de la formation professionnelle, mais aussi un auteur passionné et un grand amateur de vin.
Il a fondé le site Mistelle.fr où l'on peut retrouver sa plume impertinente, acerbe, tranchée et souvent très juste. En librairies, c'est en tant que co-auteur de "La Face Cachée du Vin" qu'il se distingue; l'ouvrage, co-écrit avec Laurent Baraou, est paru en 2010 aux éditions François Bourin.
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