Le 9/06/2015 par Julie
Le phénomène du "dernier verre de vin" est une des rares choses sur lesquelles les amateurs et experts en vin de tous azimuts s'accordent. Il semble toujours meilleur que les précédents. Ca n'arrive pas pour toutes les bouteilles, ça n'arrive pas tous les jours, mais c'est suffisamment fréquent pour qu'on se penche sur la question.
Simple : plus un vin est exposé à l'air ambiant, plus il s'ouvre et se révèle, notamment au cours du repas, quand cela fait déjà 1 heure ou plus qu'on l'a débouché. C'est particulièrement vrai pour les vins jeunes, et il faut bien reconnaître que l'on a tendance à boire les vins de plus en plus jeunes (les vins, pas nous) aujourd'hui.
Pour reproduire cet effet, il n'est donc plus rare de carafer un vin jeune, de le laisser s'aérer quelques minutes ou quelques heures au contact de l'air, afin qu'il soit parfait au moment où le premier verre sera servi.
Mais ce serait réducteur que de penser que c'est tout.
En fin de repas, ou tout du moins en fin de bouteille, ce n'est pas seulement que le vin s'est plus ouvert pour nous... Nous nous ouvrons aussi plus à lui. Avec chaque gorgée qui précède, nous nous sommes débarrassés des idées préconçues que nous avions à son sujet (qu'elles nous viennent du prix, de l'étiquette, des autres convives...) et avons appris à le connaître.
De la même manière que l'on apprend à connaître une personne, qu'on la comprend de mieux en mieux, et qu'on finit par l'apprécier davantage, on forme une sorte de relation avec le vin. La première gorgée fut pour le découvrir, puis quelques unes pour l'apprivoiser, une autre pour qu'il nous apprivoise, et voilà que nous nous comprenons enfin.
Sans compter que le niveau dans la bouteille baissant de verre servi en verre servi, l'on finit par se rendre compte que cette dégustation aura une fin, que ce verre sera le dernier, et qu'ensuite il n'y aura plus d'occasion de boire ce même vin. C'est quand on s'approche de la fin qu'on se rend compte de sa valeur, de sa beauté, de ce qu'on avait frôlé sans le voir au premier verre.
Après tout, la dégustation d'un vin est une chose particulièrement éphémère. Jamais plus on ne goûtera à nouveau ce breuvage, dans ce cadre et ces conditions, avec cette même compagnie. Alors, quand le vin est bon, il nous réveille, juste au moment du dernier verre, nous rappelle que nous devrions lui accorder un peu d'attention, avant qu'il ne s'épuise, avant que la soirée ne touche à sa fin et que chaque convive reprenne sa route...
Décidément, il n'y a pas meilleur que ce dernier verre !
La créatrice et rédactrice-en-chef de la Feuille de Vigne partage son temps entre un bureau (avec vue sur les vignes) et les vignes de France et d'ailleurs, et ne cache pas son intérêt pour les bouteilles les plus surprenantes, les vignobles les plus inattendus, et les vins étranges et étrangers.