Découverte
Le 4/08/2015 par Julie
Bargylus - le vin le plus dangereux au monde
Le domaine Bargylus est le seul domaine à produire et commercialiser du vin en Syrie, malgré la guerre qui secoue actuellement le pays. Il est géré par les frères Saadé, Karim et Sandro, qui poursuivent ce rêve pourtant très dangereux.
Produire du vin en Syrie : une entreprise chaotique et risquée
Cela fait maintenant 4 années que les frères Saadé n'ont pas mis les pieds dans leurs vignes. Comment faire du vin dans ces conditions ? Simple : en faisant confiance à la trentaine d'employés qui travaillent pour eux en Syrie. Mais dans les faits, tout ce qu'un vigneron en France tient pour acquis, est constamment remis en question là-bas, et faire du vin relève alors de l'exploit.
Au mois d'août, un vigneron "normal" n'a qu'à se déplacer dans ses vignes pour goûter ses raisins, et doit à la limite faire quelques kilomètres pour apporter une grappe au laboratoire le plus proche. A Bargylus, un taxi part tous les 3 jours du vignoble, chargé de grappes de raisin protégées par de la glace, et fait 200 kilomètres, soit plus de 4 heures de route, pour les apporter au Liban, dans les bureaux de l'entreprise à Beyrouth, pour qu'elles soient dégustées et que leur maturité soit évaluée. Il n'est cependant pas rare que des événements l'en empêchent : les routes sont dangereuses, et il arrive que la frontière soit fermée.
La vendange passée, le vin est élaboré et mis en bouteille en Syrie. Mais là encore, rien n'est facile. Il faut des mois pour que soient acheminés bouteilles, bouchons et étiquettes, qui sont importés de France. Puis le vin voyagera pendant près de 45 jours, en passant par Port Said en Egypte, avant de rejoindre les entrepôts de l'entreprise à Anvers, en Belgique.
Bargylus : l'histoire d'un rêve fou
A l'origine de ce rêve, le père des frères Saadé : la famille possédait des terres en Syrie avant la vague de nationalisations de 1958 et leur déménagement au Liban. Au début des années 2000, ils ont trouvé un lieu idéal pour fonder un vignoble : la terre a beau être difficile à travailler, les journées sont chaudes et les nuits fraîches, dans une région venteuse et montagneuse proche de la côte. Les conditions sont excellentes pour faire mûrir les raisins.
En 2003, 12 hectares sont plantés, avec du chardonnay, du sauvignon blanc, de la syrah, du merlot et du cabernet sauvignon. Les employés du domaine sont des habitants des villages environnants, qui n'ont pas d'expérience de la viticulture mais apprennent, notamment sous la houlette du consultant Stéphane Derenoncourt. En 2006, les premières bouteilles voient le jour.
Mais l'année 2011 vient tout changer, avec le début de la guerre. La province est relativement paisible, mais on note la présence de groupes de rebelles. Une fois par an en moyenne, la région est la cible de dégâts. Pour l'instant, personne au domaine n'a été touché, mais 2 bombes dans les vignes de chardonnay ont pulvérisé une quinzaine de ceps. Produire une boisson alcoolisée dans ces régions n'est pas toujours bien vu...
Le vin du miracle
Pourtant, aujourd'hui, ce sont chaque année 45.000 bouteilles qui quittent le domaine et sont commercialisées, et trouvent leur chemin jusqu'aux plus grandes tables du monde. Sur place en Syrie, 35 familles vivent grâce au travail que leur fournit le domaine.
Pour Karim Saadé, produire le vin de Bargylus est presque un symbole, un acte de résistance. La preuve qu'on peut faire du vin de qualité, même dans les plus difficiles des conditions.
Quelques mots sur l'auteur : Julie
La créatrice et rédactrice-en-chef de la Feuille de Vigne partage son temps entre un bureau (avec vue sur les vignes) et les vignes de France et d'ailleurs, et ne cache pas son intérêt pour les bouteilles les plus surprenantes, les vignobles les plus inattendus, et les vins étranges et étrangers.
